- Article traduit de l'anglais : http://news.nationalgeographic.com/2016/10/spanish-galgo-hunting-dog-killing-welfare/?utm_source=Facebook&utm_medium=Social&utm_content=link_fb20161026news-spanishdogs&utm_campaign=Content&sf39956037=1
Rebecca Allen pose avec ses Galgos rescapés d'Espagne, Luke (à droite) et Sirius, à Alexandria, Etat de Vrginie
PHOTOGRAPHIES par REBECCA HALE, NATIONAL GEOGRAPHIC
// Luke et Sirius, deux lévriers espagnols, ou Galgos, gambadent dans leur jardin d'Alexandria, Etat de Virginie, un matin brumeux d'octobre. Obtenir que ces chiens espiègle restent immobiles a été assez difficile pour la photographe de National Geographic, mais quand un écureuil court en haut d'un arbre - impossible. Luke dresse les oreilles et il débranche.
Les chiens ont parcouru un long chemin depuis Murcia, Espagne, où ils avaient été abandonnés. De bons Samaritains ont trouvé Luke et 10 autres chiots nouveaux-nés dans la rue avec leur mère en Juillet 2013. Deux mois plus tard Sirius a été trouvé sur une route en dehors de Murcia étendu à côté du cadavre d'un autre Galgo qui avait été tué par balle. Sirius, âgé peut-être d'un an, un an et demi, était resté fidèlement auprès de son compagnon mort.
Les Galgos sont une race ancienne de chiens de chasse élevés autrefois uniquement par les nobles espagnols. Aujourd'hui ils doivent faire partie des chiens les plus maltraités de la planète. Des dizaines de milliers sont tués en Espagne chaque année, souvent de façon horrible. D'innombrables sont abandonnés.
Ils sont d'apparence similaire aux greyhounds, avec un corps plus petit et moins charpenté, et un pelage soit lisse soit hirsute. Les gens qui travaillent avec les Galgos disent qu'ils ont tendance à être loyaux, gentils et tendres.
"Ce sont de super chiens", dit Abigail Christman, fondatrice du Galgo Rescue International Network (GRIN), basé au Colorado. "Ce sont des lévriers avec un sens de l'humour. Ils sont un peu plus ardents, un peu plus insolents."
Les galgueros, les personnes qui possèdent et élèvent les chiens, les utilisent pour la chasse au lièvre ou au leurre. Dans la chasse au lièvre - un sport controversé - les chiens courent à travers la campagne ou sur une piste dans un enclos pour attraper le lièvre s'enfuyant. Dans la course au leurre, le lièvre est remplacé par un leurre mécanique. Les galgueros organisent des compétitions chaque année de septembre à février. Lors du concours le plus prestigieux, qui se tient dans différentes villes d'Espagne chaque mois de janvier, le galgo vainqueur ramène à la maison la Coupe de sa Majesté le Roi, la Copa del Rey, tacitement sponsorisée par le roi d'Espagne lui-même, Felipe VI.
Les Galgos sont reproduits en masse dans l'espoir de trouver le courseur parfait. Selon Tina Solera, fondatrice de l'association basée à Murcia 'Galgos Del Sol' qui a recueilli Luke et Sirius, les chiens sont souvent maintenus, à travers le pays, dans l'horrible conditions: enchaînés en plein air ou dans des petits bunkers de béton, et juste assez nourris pour rester vivants - et suffisamment affamés pour la compétition. "Il y a des galgueros qui ont 70, 120 Galgos, qui survivent en mangeant des chips et du pain, et qui se dévorent entre eux quand l'un meurt", dit-elle.
Pour entraîner les Galgos à leur vitesse maximum, "ils les sortent souvent par 12 ou 15, les attachent derrière une moto ou une voiture, et roulent", dit Christman. "Si l'un d'eux tombe ou se blesse, dommage pour lui."
Solera n'avait jamais entendu parler des Galgos avant de déménager du Royaume-Uni à Murcia en 2007 avec sa jeune famille. Une fois arrivée, elle a été choquée par le nombre élevé de chiens abandonnés dans les rues et s'est sentie obligée d'agir. Galgos Del Sol a sauvé plus d'un millier de chiens depuis 2011.
Mort de manière horrible
Après une ou deux saison de chasse, les Galgos qui ne sont plus à la hauteur sont tués - 100.000 chaque année selon Christman.
Il est très difficile de savoir combien sont tués car nous ne savons pas combien naissent", dit Solera. C'est la reproduction effrénée, incontrôlée - les chiens sont rarement stérilisés ou castrés - qui mène à ce chiffre élevé de Galgos jetés, de même que le fait que les chiens sont utilisés pour si peu de temps. Parce qu'il y a une accalmie de sept mois entre deux saisons de chasse, les propriétaires "ne veulent pas se donner trop de peine pour eux", explique Solera.
Les Galgos sont jetés dans des puits, noyés dans des rivières, brûlés à mort, aspergés d'acide. Certains sont abandonnés dans la forêt, les pattes cassées intentionnellement pour qu'ils ne puissent pas rentrer chez eux. "L'année dernière nous en avons trouvé un, qui avait été frappé à l'arrière du crâne avec un petit marteau", se rappelle Marylou Hecht, directrice des deux branches américaines de Galgos del Sol et de Galgo Podenco Support, une organisation basée aux USA qui se concentre sur les adoptions américaines de Galgos et de Podenco (les Podencos sont une race de chiens de chasse exposée au même abandon de masse en Espagne).
Et puis il y a les pendaisons. Les chiens qui ont eu de bons résultats lors des concours mais qui ne sont pas au top de leur forme sont pendus haut et court à un arbre - une mort relativement rapide. Ceux qui ont embarrassé leurs galgueros en courant mal peuvent aussi être pendus, mais près du sol de sorte que les pattes le touche à peine. Leur piétinement désespéré jusqu'à se qu'ils s'étouffent lentement est appelé "jouer du piano" explique Christman.
Alistair Findlay de la World Animal Protection, une organisation de protection animale basée au Royaume-Uni, a conduit une enquête de plusieurs mois sur les pendaisons de galgos dans la province centrale de Castilla-y-Leon en 2003. "C'est un peu comme dans une réunion de famille," dit Findlay à propos des lieux de pendaison. "Le propriétaire du galgo apporte de la nourriture et des boissons, et tu retrouves les cartons et les bouteilles de vin vides près des corps".
La Federación Española de Galgos, la principale fédération nationale de galgueros, n'a pas répondu à nos demandes de commentaires.
Pilar Perez Martinez est vétérinaire à Murcia, elle travaille régulièrement avec les chiens sauvés par Galgos Del Sol. C'est aussi une galguera. Elle dit que beaucoup de galgueros aiment leur chiens et ne leur feraient jamais de mal. Elle exprime sa frustration devant la stigmatisation des galgueros: "Je me sens attaquée, dans plusieurs situations - par exemple, quand je me promène avec mes galgos, et que quelqu'un vient me critiquer sans me connaitre ni connaitre mes animaux. Je pense que les chasseurs devraient être considérés de manière différentes des maltraitants", dit-elle.
‘La clé, c'est la prochaine génération’
Le problème des galgos s'est quelque peu amélioré ces dernières années. D'une part, Findlay dit qu'il y a moins de pendaisons que lorsqu'il a conduit son enquête en 2003. De nouvelles lois nationales contre la cruauté animale sont entrées en vigueur en 2004, 2007 et 2010 et un certain nombre de provinces et de localités ont fait passer des lois similaires ces dernières années.
Pourtant, malgré des poursuites judiciaires très médiatisées contre une poignée de galgueros qui avaient jeté leurs chiens dans des puits, les auteurs de la grande majorité des tueries et des abandons de galgos ne sont jamais punis car il est difficile de les prendre la main dans le sac. "Il n'y pas rien de vraiment acté sur ce qu'il se passe", dit Solera. Beaucoup de chiens ne sont pas pucés et s'ils le sont, les galgueros arrachent souvent la puce avant de se débarrasser de leurs chiens. Et les sauveteurs ne signalent parfois pas ces crimes à la police par peur de représailles. "C'est un équilibre très difficile", dit Solera. "C'est une industrie horrible".
Les pratiques se répètent au fil des générations en Espagne: les hommes ne font que reproduire les gestes de leur père, qui les tenait lui-même de son propre père. // Abigail Christman - Galgo Rescue International Network
Les initiatives locales apportent aussi une aide précieuse.
Pour voyager aux USA, Luke et Sirius avaient leur passeport identifié à leur nom d'origine., Bobby et Rubens. Quelques 150 Galgos sont adoptés chaque année par des américains, beaucoup plus dans les pays européens.
Fermin Perez, professeur de sciences qui dirige Scooby Medina, le plus grand refuge d'Espagne, a attiré l'attention internationale sur la situation critique des chiens. Et Galgos Del Sol est seulement l'un des nombreux groupes de protection animale qui ont vu le jour brusquement ces dernières années et qui se focalisent sur le sauvetage de Galgos. Parmi eux, la Fondation Benjamin Mehnert, basée à Séville, et 112 Carolta Galgos, à Malaga.
Le sauvetage des Galgos seul n'est pas une solution à long terme, dit Solera. Son plus grand espoir réside dans l'éducation publique. C'est un challenge, selon Hecht qui explique que les chiens ne suscitent pas beaucoup d'amour en Espagne. Elle se souvient avoir marché dans un aéroport avec des galgos qu'elle amenait aux USA pour leur adoption. "Les gens se jetaient contre les murs, les pointant du doigt et s'exclamant 'Des Galgos, des Galgos!', comme s'il s'agissait de hyènes. Ce n'est pas le genre de chiens qu'on promène en laisse."
Galgos Del Sol utilise les médias sociaux et les panneaux d'affichage pour promouvoir la cause des galgos, mais ils s'adressent aussi directement aux galgueros. "Comment pourrions-nous un jour passer au dessus de tout ça si nous ne savons pas ce qu'ils pensent?" dit Solera. Elle assiste aux événements des galgueros pour faire des discours encourageant le traitement humain des galgos et pour distribuer des tracts.. Elle parle avec les galgueros, les encourageant à maîtriser cette reproduction effrénée.
"Les pratiques se répètent au fil des générations en Espagne: les hommes ne font que reproduire les gestes de leur père, qui les tenait lui-même de son propre père", dit Christman de GRIN. "La clé, c'est la génération suivante", déclare Solera.
Galgos Del Sol travaille beaucoup avec les enfants de Murcia, par exemple elle sponsorise une équipe de course à vélo, the Galgos Warrior, les équipant d'uniformes et amenant des galgos à chaque rencontre. L'organisation et d'autres groupes présentent des galgos dans les salles de classe, apprenant aux élèves comment prendre soin des chiens. Selon Solera, pour que les élèves deviennent d'efficaces agents du changement, le bien-être animal doit être au programme scolaire national. C'est un challenge dans un pays qui émerge doucement d'une récession économique paralysante. "Les gens n'ont pas de travail, les gens ont beaucoup de difficultés, ce n'est pas du tout la priorité. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas essayer."
L'attitude envers les Galgos est déjà en train de changer à Barcelone et à Madrid, où les chiens sont des animaux de compagnie populaires chez les jeunes. Mais Solera pense que c'est en grande partie dans les régions rurales comme Murcia, où les attitudes sont profondément ancrées, que le changement est le plus significatif. "Avant je ne pouvais pas sortir de la maison sans trouver des Galgos dans la rue - ça n'arrive plus vraiment aujourd'hui", dit-elle, ajoutant toutefois que les progrès sont lents, mais que c'est une avancée. "Notre but serait d'arrêter nos activités." //